Depuis quelques jours, les témoignages se suivent et s’accumulent : celui de Siska De Ruysscher, 25 ans, qui a choisi l’euthanasie pour souffrance psychique après de nombreuses années de rupture dans la prise en charge. Dans une lettre poignante publiée dans De Morgen, elle se décrivait comme « le produit d’une aide défaillante ». Mileen Janssens, psychologue-psychothérapeute, lui répond dénonçant la baisse des moyens pour la psychothérapie.
Une psychiatrie en crise
Le constat est quasi unanime : les moyens manquent, les séjours sont trop courts, la relation thérapeutique s’effrite derrière la paperasserie. La psychothérapeute Mileen Janssens, dans De Standaard, parle d’un travail de plus en plus protocolarisé, où l’administration remplace la présence humaine. Beaucoup de jeunes patients se retrouvent livrés à eux-mêmes après quelques séances, faute de temps, de financement ou de continuité des soins.
Siska, elle, n’a pas trouvé de regard qui tienne bon. Isolement, contentions, hospitalisations forcées : autant de cicatrices qui finissent par briser la confiance. « Ce n’est pas rare que l’euthanasie ou le suicide soient liés à une prise en charge insuffisante », reconnaît Nadia Mahjoub, porte-parole d’Uilenspiegel, une association de patients pour les personnes souffrant de troubles psychiatriques.
Des jeunes livrés à eux-mêmes
Cette dérive ne touche pas que la Belgique. Aux Pays-Bas, une adolescente de 17 ans, Milou, a été euthanasiée pour souffrance psychique, suscitant un profond malaise. Certains parlementaires y ont même proposé un moratoire pour les moins de 30 ans.
En Belgique, le débat s’ouvre timidement : la psychiatre Kirsten Catthoor rappelle dans De Standaard que « le cerveau humain n’est pleinement mûr qu’à 25 ans » et qu’il faut parfois des années pour reconstruire une vie intérieure.
Mais pour plusieurs jeunes adultes, le temps du soin est déjà remplacé par celui de la fin.
Un signal d’alarme éthique
Les défenseurs de la loi, comme Wim Distelmans, estiment que la cause du mal n’importe pas dès lors que la souffrance est réelle. Mais cette logique technocratique revient à effacer la responsabilité collective. Quand une personne demande à mourir non parce qu’elle est incurable, mais parce qu’elle a été mal soignée, c’est la société entière qui est malade.
Chez CLARA Life, nous refusons de considérer l’euthanasie comme une solution thérapeutique. Nous appelons à une refondation du soin psychiatrique, où chaque personne, quel que soit son âge ou sa fragilité, rencontre d’abord un visage, une écoute, une espérance.
Il devient urgent que l’État, les hôpitaux, les institutions de santé mentale posent un vrai choix de société : voulons-nous investir dans un soin long, humain, non fragmenté, ou continuer à laisser ouvertes légalement les portes de l’euthanasie sans régler le fond ? Nous devons également questionner : quand un patient se suicide ou choisit l’euthanasie parce que la porte du soin est fermée, sommes-nous complices par notre inertie ?
La mort choisie ne peut être la réponse à une souffrance quand la vie n’a pas eu le droit d’être soutenue pleinement. Nous appelons les professionnels, les élus, la société civile à une réflexion profonde : non pas uniquement sur le « droit à mourir », mais sur le droit à une vie accompagnée, digne, pleine, jusqu’au bout.
Tant qu’une personne choisira la mort faute d’avoir trouvé de l’aide, la mission de la médecine et de l’État restera inachevée.