Voici déjà 20 ans que la Belgique dépénalisait l’euthanasie

Voici déjà 20 ans, qu’en 2002, la Belgique dépénalisait l’euthanasie, seulement un an après les Pays-Bas. Depuis, plusieurs pays ont suivi leurs pas. Chaque État légalise l’euthanasie sous certaines conditions et d’une manière qui lui est propre. Cela a conduit à de nombreuses législations, possédant chacune ses nuances, difficiles à répertorier ici. On peut néanmoins les classer en différents types. Voici un schéma de la situation mondiale.

L’euthanasie :

en Belgique, cela consiste en l’administration d’un produit létal par un médecin, à la demande consciente et volontaire du patient et dans l’intention de provoquer la mort de celui-ci.

Elle est actuellement légalisée ou dépénalisée dans 6 pays ; le Canada et la Belgique1 (deux pays où la mort par euthanasie représente 2% des décès), l’Espagne, le Luxembourg, les Pays-Bas (4,2% des décès en 2019) et la Nouvelle-Zélande.

Dans l’état australien de Victoria,

l’euthanasie n’est légale que lorsque le patient n’est pas capable de s’administrer lui-même le poison et qu’un médecin doit alors le faire.

Dans l’état australien de l’Australie-Occidentale,

l’euthanasie est légale. Le médecin comme l’infirmière praticienne peut la pratiquer.

Au Japon,

l’euthanasie reste théoriquement illégale car il n’existe pas de texte légal qui offre une ligne de conduite avec des directives précises. Pourtant, récemment fut rédigé un texte de lignes directrices, mais fort rudimentaire. Ceci fait que, dans la pratique, l’euthanasie y est sujette à des interprétations littéraires et juridiques. De fait, dans des cas d’homicides médicaux, plusieurs juges ont déjà spécifié les conditions qu’ils estiment nécessaires pour qu’une euthanasie ne soit pas criminalisée2.

Le cas colombien3

est particulier, malgré l’absence de loi encadrant clairement l’euthanasie (elle n’est donc pas légalisée), la Cour Constitutionnelle a autorisé dans certains cas sa pratique, rendant sans effet les sanctions pénales jusqu’alors encourues. L’euthanasie y est donc autorisée sous trois conditions :

– Que ce soit le médecin qui pratique l’euthanasie.

– Que le consentement soit clair, libre et éclairé.

– Qu’elle n’ait lieu qu’en cas de maladie en phase terminale.

Ainsi, selon les chiffres recueillis4 entre 2015 et le 15 octobre 2021, 178 personnes sont décédées par euthanasie en Colombie.

L’Italie5, l’Allemagne6 et l’Autriche7

rencontrent les mêmes controverses juridiques, mais au sujet de l’aide au suicide.

L’aide ou l’assistance au suicide :

tout acte visant à aider une personne à se suicider. Elle ne se passe pas nécessairement par injection d’une substance létale et ce n’est pas spécialement un médecin qui la pratique ou supervise.

Dans les trois pays précédemment cités, la Cour Constitutionnelle a estimé inconstitutionnelle l’incrimination de l’aide au suicide, laissant au Parlement le soin d’établir une loi qui encadrerait sa pratique. À l’heure d’aujourd’hui, dans ces trois pays, une ou plusieurs propositions de loi ont été présentées au Parlement. Pourtant, seule l’Autriche8 en a approuvé une, légalisant donc l’aide au suicide.

En Suisse9,

la loi autorise l’aide au suicide à la seule condition que le mobile ne soit pas égoïste. L’Académie suisse des sciences médicales s’est donc chargée de définir les directives, qui restent très larges, pour la pratique de l’aide au suicide « l’assistance au suicide d’un patient capable de discernement est acceptable, lorsque les symptômes d’une maladie et/ou des limitations fonctionnelles lui causent une souffrance insupportable et que les autres options ont échoué ou ont été jugées inacceptables par le patient. » Deux associations suisses, qui ont ajouté leurs propres conditions aux précédentes, pratiquent l’aide au suicide : Exit A.D.M.D et Dignitas.

Le Suicide médicalement assisté :

= acte par lequel le patient s’administre une substance létale, sous la supervision d’un médecin.

La différence d’avec l’euthanasie réside dans le fait que c’est le patient lui-même qui effectue l’acte, non le médecin.

C’est une différence importante, qui affecte intrinsèquement le processus et qui n’a donc pas valeur de détail dans la législation. Par exemple, en Belgique cette différence est très discutée. En effet, bien que le législateur l’ait exclu du champ de la loi (sur l’euthanasie), le suicide médicalement assisté est

admis par la Commission de Contrôle. De fait, cet organisme chargé de contrôler la pratique des actes euthanasiques en Belgique estime que le terme ‘euthanasie’ utilisé dans la loi englobe déjà ce terme.

Le ‘médicalement’ qui distingue cet acte d’avec l’assistance au suicide est important. Ici le médecin est nécessairement présent au moment de l’acte et il prescrit la substance létale qu’utilisera le patient. Les pays du point précédent, qui ont autorisé l’aide au suicide ont, de facto, fait de même pour le suicide médicalement assisté.

Aux Pays-Bas10,

le suicide assisté est toujours pénalisé, mais les médecins peuvent y recourir s’ils estiment avoir déjà épuisé, sans résultat, les soins palliatifs disponibles.

Au Luxembourg,

le suicide médicalement assisté est dépénalisé depuis 2009. En Nouvelle-Zélande, il peut être pratiqué légalement depuis le 7 novembre 2021, et en Espagne, depuis juin 2021.

Au Canada,

l’aide médicale à mourir est légale et désigne tant le suicide assisté que l’euthanasie.

En Australie,

la loi fédérale interdit aux territoires de légiférer de façon autonome sur la question. Mais cette loi ne touche pas les six états australiens, dont cinq ont légalisé le suicide assisté. Dans les états de Victoria, de l’Australie-Méridionale et du Queensland (à partir de janvier 2023), le suicide assisté est légal. De même pour l’état de l’Australie-Occidentale. Mais dans cet état-là, le médecin n’est pas tenu d’être présent si une infirmière praticienne administre la substance, même s’il doit toujours superviser la procédure. C’est dans ces mêmes termes que pourra se pratiquer légalement, à partir du 22 octobre 2022, le suicide assisté dans l’état de Tasmanie. Mais s’ajoute une différence ; une infirmière autorisée pourra, au même titre qu’un infirmière praticienne, y administrer la substance.

Aux États-Unis,

aucune loi fédérale ne régit le suicide médicalement assisté, chaque État s’est donc chargé d’établir sa propre législation en la matière. Dix états ont légalisé le suicide assisté : la Californie, le Colorado, l’Oregon, Washington, Hawaii, le Montana (autorisé par une décision de justice, bien qu’à ce jour aucune loi ne l’encadre), le Maine, le Nouveau Mexique, le New Jersey et le Vermont. La ville de Washington D.C. (District of Colombia) s’ajoute aussi à cette liste11. Quant à l’Association Médicale Américaine12 (AMA), elle est opposée à l’euthanasie et au suicide assisté.

En Suède,

le suicide assisté est autorisé.

L’euthanasie ‘passive’ ou plutôt l’euthanasie par omission de soins :

la privation de traitements ordinaires et proportionnés. Le patient mourra dans les jours qui suivent, selon les cas, après être tombé dans le coma.

Suite à la conception d’une machine facilitant ce type de suicide, l’Institut Européen de Bioéthique a publié un article traitant des multiples questions survenues à ce sujet

La différence avec l’acharnement thérapeutique est qu’ici on abandonne les traitements ordinaires et proportionnés. Ce sont des traitements qui offrent assez d’espoir de soigner ou d’améliorer l’état du patient et qui promettent plus d’effets bénéfiques que de désagréments. On retire aussi parfois les soins de bases, nécessaires au maintien en vie de tout être humain (l’hydratation, l’alimentation, une bonne hygiène corporelle, etc.).

La distinction de l’euthanasie dite ‘passive’ d’avec l’euthanasie dite ‘active’ fausse le débat et introduit beaucoup de confusion. Nous en faisons quand même mention parce que cette distinction revient fréquemment. En effet, le terme d’euthanasie passive fait parfois référence au refus d’acharnement thérapeutique, qui n’est pas une forme d’euthanasie, et non à l’euthanasie par omission de soins. En tous les cas, dans toute euthanasie, le but poursuivi est le même. Que ce soit par omission de soins ou en administrant activement un produit létal au patient, le principe reste le même car on a la volonté de hâter la mort du patient. L’on poursuit une mort qui s’oppose à la mort naturelle. Elle n’est donc pas comparable au refus de l’acharnement thérapeutique ni aux soins palliatifs, lesquels visent à accompagner humainement le patient, en soulageant la souffrance, et ne recherchent ni à hâter ni à prolonger exagérément l’heure de la mort.

C’est la forme d’euthanasie la plus répandue. Certains pays l’autorisent sous certaines conditions, comme celle de requérir la volonté manifeste de la part du patient, d’autres n’en posent aucune.

Elle est de facto acceptée dans tous les pays autorisant l’euthanasie dite ‘active’, l’aide au suicide ou le suicide médicalement assisté.

Elle est la seule forme d’euthanasie qui soit légalisée dans tous les états des États-Unis.

Elle est autorisée au Royaume-Uni13. Le médecin et les proches peuvent décider de retirer l’hydratation et l’alimentation à un patient en état d’inconscience, que cet état soit permanent ou minimal. Il est nécessaire de demander l’avis d’un deuxième médecin, sauf si le patient est à quelques heures ou jours de la mort. Si les proches et le médecin rencontrent un désaccord, un juge tranchera sur la question.

En Inde14, la Cour a autorisé l’euthanasie par omission de soins.

Les trois formes d’euthanasie sont de facto interdites dans les pays ne les ayant pas légalisées expressément. C’est pour cela que, en général, dans les pays africains15 et asiatiques, toute forme d’euthanasie est interdite, soit explicitement soit implicitement, avec des exceptions telles que l’Inde et le Japon.

L’acharnement thérapeutique :


on entend par acharnement thérapeutique une obstination exagérée de guérir face à une mort inéluctable. Elle empêche le patient d’aborder sereinement ainsi qu’humainement la fin de vie.

L’arrêt de traitement ou plutôt le refus d’acharnement thérapeutique : éviter l’acharnement thérapeutique n’est pas une forme d’euthanasie. Le but en est d’éviter les traitements disproportionnés et extraordinaires. Les traitements disproportionnés sont ceux dont les bénéfices poursuivis ne sont pas comparables aux effets négatifs qu’ils entrainent. Un exemple est d’entamer une chimiothérapie pour une personne en fin de vie. Ce serait empêcher une personne de préparer sereinement sa mort qui est proche et inéluctable, et dont le traitement occasionne plus d’effets négatifs que positifs.

En évitant l’acharnement thérapeutique le but est que la médecine curative, qui cherche à soigner, laisse place à la médecine palliative.

Soins palliatifs :

le but de la médecine palliative est d’offrir un accompagnement qualitatif au patient en fin de vie. Elle cherche à soulager tout type de souffrance et à accompagner le deuil des proches. C’est une belle alternative à l’euthanasie ; elle offre une fin de vie plus humaine et sereine16.

L’Association Médicale Mondiale

L’Association Médicale Mondiale (AMM) fut fondée au lendemain de la seconde guerre mondiale, désireuse de faire respecter une médecine éthique à travers le monde et d’éviter de nouveaux génocides, de nouvelles catastrophes et expériences médicales telles que ce qui eut lieu durant ladite guerre. Au cours de la 70ème assemblée générale de l’association (octobre 2019), la dernière qui ait eu trait à l’euthanasie, l’AMM a déclaré que :

« L’AMM renouvelle son attachement profond aux principes de l’éthique médicale et au plus grand respect de la vie humaine. En conséquence, l’AMM est fermement opposée à l’euthanasie et au suicide médicalement assisté. (…)

Aucun médecin ne saurait être forcé à participer à une euthanasie ou à aider une personne à mettre fin à ses jours, pas plus qu’il ne devrait être tenu d’orienter un patient à cette fin.

Cependant, le médecin qui respecte le droit fondamental du patient à décliner un traitement médical, n’agit pas de façon non éthique en renonçant ou en suspendant des soins non voulus par le patient, même si le respect de ce souhait entraîne la mort du patient. »17

Elle est donc « fermement opposée à l’euthanasie et au suicide médicalement assisté ».

À la place de l’euthanasie, voici ce que nous pouvons offrir aux personnes qui vivent dans la souffrance :

1. De l’amour !

2. Mettre les 7 conseils de L’Alliance Vita en pratique18 :

1) Face à la peur de se retrouver seul…

– C’est le moment de retisser des liens !

2) Face à la peur de perdre sa liberté…

– C’est le moment de proposer des choix !

3) Face à la peur de se sentir inutile…

– C’est le moment témoigner que sa vie a un sens !

4) Face à la peur de peser sur ses proches…

– C’est le moment de savoir donner et recevoir !

5) Face à la peur de susciter du dégoût…

– C’est le moment de regarder avec le cœur !

6) Face à la peur de subir la maltraitance…

– C’est le moment de montrer notre bienveillance !

7) Face à la peur de trop souffrir…

– C’est le moment passer à l’action pour soulager !


Sources :

  1. Pour retrouver le rapport de l’IEB au sujet de la pratique de l’euthanasie en Belgique :https://www.ieb-eib.org/fr/actualite/fin-de-vie/euthanasie-et-suicide-assiste/belgique-etude-sur-la-pratique-de-l-euthanasie-en-flandre-901.html?backto=search
  2. Pour de plus amples informations au sujet de la situation japonaise : https://www.waseda.jp/folaw/icl/assets/uploads/2014/05/A02859211-00-000270001.pdf
  3. Pour retrouver l’article de l’IEB à ce sujet : https://www.ieb-eib.org/fr/actualite/fin-de-vie/euthanasie-et-suicide-assiste/l-euthanasie-en-colombie-pratiquee-mais-pas-legalisee-1996.html
  4. Source : https://www.desclab.com/_files/ugd/e0e620_27b339a377d34320a367e29d05df27dc.pdf (p.16)
  5. Pour plus d’informations au sujet de la législation italienne : https://www.ieb-eib.org/fr/actualite/fin-de-vie/euthanasie-et-suicide-assiste/italie-la-cour-constitutionnelle-s-autorise-a-depenaliser-le-suicide-assiste-1671.html?backto=pays-it
  6. Au sujet des interférences entre la Cour constitutionnelle et le Parlement en Allemagne : https://www.ieb-eib.org/fr/actualite/fin-de-vie/euthanasie-et-suicide-assiste/la-cour-constitutionnelle-allemande-oblige-l-etat-a-organiser-l-aide-inconditionnelle-au-suicide-1752.html?backto=pays-de
  7. Au sujet des interférences entre la Cour constitutionnelle et le Parlement en Autriche : https://www.ieb-eib.org/fr/actualite/fin-de-vie/euthanasie-et-suicide-assiste/la-cour-constitutionnelle-d-autriche-suit-sa-consur-allemande-et-autorise-l-assistance-au-suicide-sans-raison-medicale-1936.html
  8. Au sujet de la loi autrichienne légalisant l’aide au suicide : https://www.ieb-eib.org/fr/actualite/fin-de-vie/euthanasie-et-suicide-assiste/autriche-la-loi-sur-le-suicide-assiste-est-elle-si-restrictive-2071.html?backto=pays-at
  9. Pour plus d’informations au sujet du suicide assisté en Suisse : https://www.ieb-eib.org/fr/actualite/fin-de-vie/euthanasie-et-suicide-assiste/vers-le-suicide-assiste-dans-les-prisons-suisses-autodetermination-ou-desespoir-1746.html?backto=pays-ch
  10. Pour plus d’informations au sujet de la législation néerlandaise : https://soin-palliatif.org/aidant/suicide-assiste/
  11. Pour retrouver une liste de ces états: https://www.ieb-eib.org/fr/actualite/fin-de-vie/euthanasie-et-suicide-assiste/le-new-jersey-huitieme-etat-a-legaliser-le-suicide-assiste-aux-etats-unis-1589.html Et pour de plus amples informations : https://lop.parl.ca/sites/PublicWebsite/default/fr_CA/ResearchPublications/2015116E#txt3
  12. Au sujet de la position de l’AMA sur le suicide assisté : https://www.ieb-eib.org/fr/actualite/fin-de-vie/euthanasie-et-suicide-assiste/l-association-medicale-americaine-reaffirme-son-opposition-a-l-euthanasie-1622.html?backto=pays-us
  13. Au sujet de l’euthanasie par omission de soins au Royaume-Uni : https://www.ieb-eib.org/fr/actualite/fin-de-vie/euthanasie-et-suicide-assiste/porte-ouverte-a-l-euthanasie-par-omission-de-soins-au-royaume-uni-1544.html
  14. Sur l’euthanasie par omission de soins en Inde : https://www.ieb-eib.org/fr/actualite/fin-de-vie/euthanasie-et-suicide-assiste/inde-autoriser-l-arret-des-soins-et-des-traitements-quitte-a-provoquer-la-mort-1387.html?backto=search
  15. Au sujet de la position de l’AMM et des médecins africains sur l’euthanasie et le suicide assisté : https://www.ieb-eib.org/fr/actualite/fin-de-vie/euthanasie-et-suicide-assiste/association-mondiale-des-medecins-les-medecins-africains-rejettent-euthanasie-et-suicide-assiste-1349.html
  16. Au sujet des soins palliatifs face à l’euthanasie :https://www.ieb-eib.org/fr/actualite/fin-de-vie/soins-palliatifs/plutot-que-l-euthanasie-le-parlement-finlandais-desire-une-amelioration-des-soins-palliatifs-1422.html
  17. Pour retrouver la position de l’AMM au sujet de l’euthanasie et du suicide médicalement assisté : https://www.wma.net/fr/policies-post/declaration-sur-leuthanasie-et-le-suicide-medicalement-assiste/ ou https://www.ieb-eib.org/docs/pdf/2019-12/doc-1576766157-135.pdf
  18. Pour retrouver le document complet de la campagne de l’Alliance Vita : https://www.alliancevita.org/wp-content/uploads/2022/01/DP-Campagne-fin-de-vie-Version-finale.pdf

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